“Mon travail du papier commence avec une paire de jumelles.
J’emprunte les sentiers qui serpentent dans les forêts proches de chez moi. Je marche doucement, je laisse du silence entre mes pas. Parfois je reste assis au même endroit des heures durant, camouflé de la tête aux pieds pour me faire oublier. Qui vais-je rencontrer ?
L’immense gypaète barbu ou la délicate mésange à longue queue, le cerf majestueux ou le furtif renard ?
Les observer m’inspire. Leur beauté me traverse d’émotions indicibles. Nous partageons cette terre avec une myriade de vivants. Ré-apprendre à cohabiter.
Voilà l’urgence.
Retrouver l’humilité de n’être qu’un parmi tant d’autres. Nous avons tous une origine commune.
Et si c’était un carré de papier ? L’art de l’origami permet de révéler les liens qui nous unissent tous les uns aux autres. Entre mes mains, un même papier peut se transformer en Ours brun, en Flamant rose ou en Femme enceinte. Ni découpe, ni colle, uniquement des plis et des courbes.
L’origami est métamorphose : il n’y a ni ajout ni retrait de matériel, le carré se transforme. Et si on le déplie : on découvre une carte mystérieuse, comme une empreinte digitale, unique et magique. Le jeu consiste à trouver le chemin qui me mènera à chacune de ces créatures. La technique que j’utilise est magique, nous sommes une dizaine de créateurs dans le monde à la développer. Un papier d’aquarelle. Je le mouille. Il devient flexible. Et ce sont alors des courbes qui apparaissent naturellement. Et toute la vie est courbe. Exit les origamis purement géométriques et anguleux. Place aux rondeurs et aux courbes suaves.
Ma démarche est minimaliste. Je tente de toucher du doigt l’essence de l’animal, dans son mouvement, son attitude et sa présence au monde. Et pour cela, l’immersion dans la forêt est ma plus grande source d’inspiration. Il me faut parfois des mois d’observation avant d’avoir l’idée d’un pliage. Pour que mes mains savent où aller, il faut que mon cœur ait tissé un lien ténu avec l’être que j’observe.
Et lorsque le moment est venu de plier, je cherche à suggérer plutôt qu’à tout dévoiler. Je tente d’insuffler un peu de vie entre les plis.
La dernière étape de mon processus de création est de photographier mon origami en pleine nature, à l’endroit où j’ai observé l’animal qui me l’a inspiré. La boucle se referme. Parenthèse de poésie. Désormais je ne le verrai plus jamais pareil, car cet animal-là, je l’ai tenu entre mes mains.
L’origami comme un humble hommage à la beauté de la vie.”
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Informations
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Site Web : www.jonathanrebouillat.com